Temps et contretemps
Le temps se retrouvait dans un miroir, à deux doigts de ne plus savoir que faire dans ce giratoire. Gauche, droite, en avant, en arrière ? Ah, monsieur le Temps était muet ? Facile de faire semblant de ne pas trouver son chemin, de se goberger des itinérants sans guide. Celui-là, il allait falloir le surveiller de près. Intelligent de ficher la trouille au moindre son de talon-aiguille, de vouloir expliquer pourquoi Pierre était une pierre. Pas si perdue, la marquise des orages, entre deux ondées, trois mots perdus, quatre langues fourchues, cinq têtes coupées par inadvertance, six doses de champignon, sept nains, huit grands huis.
Neuf, dix, onze... J'étais partie pour faire le tour de la pendule. J'aurais préféré, même dans un bois sombre, couverte d'aiguilles de pins, donner à ces mots leur sens réparateur : faire le tour de la pendule. Dormir, dormir et dormir. Marcher autour d'une orbe mouvante, m'écorcher les mains aux pentes du réveil, accoster aux rives du sablier en me laissant croire que c'était la plage. Petite plage de sieste, escale méritée, Capitaine, avec un lapin nain pour toute compagnie, si petit qu'il tient dans la poche.
Et longtemps le soir gémit
ce sera Mykonos et ce sera
le sel
tronqué des graines océanes
l’écorce suintante entre le vent et l’encre
tempête de tavernes
et l’amarante ridée aux corsets des galères
des prières surannées flottent comme des robes
que ce grand lit d’airain se
ferme
comme un bruit
on entendra la pierre
la soif
nefs confuses de fruits très vieux
le frisson du géranium aux fenêtres
blanchies
ici la nuit traîne des eaux verticales
l’aube s’y écaille
orbe de rocs hérissés
comme un grand cerisier
Que ce grand lit d'airain se ferme sans un bruit, dans cette nuit verticale.
A l'aube, les cerises seront mûres, les morts morts, les graines ridées, la pierre pierre.
Quel cauchemar !
Changer de marchand, vite. Ou ces piles n'ont que trop duré.